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Ethan Carter m’a tuER…

Préambule : comme dans tout bon test de jeu vidéo que je partage avec vous, j’ai pris soin de ne pas vous gâcher l’exploration en m’évertuant à ne pas trop vous révéler l’histoire. Article & vidéos sont donc garantis Spoiler Free. Bonne lecture !

Ça n’est pas tous les mois qu’un jeu vidéo vient bousculer le joueur par ce qu’il a à proposer, pas même tous les semestres. Au milieu des titres formatés AAA incapables de se risquer sur de nouveaux gameplays et des petits jeux indé’ « play’n trash », il n’y a guère de place pour les projets intermédiaires qui demandent de lourds investissements pour les structures légères que sont les studios indépendants. C’est pourtant sur ce chemin incertain que s’est engagé le studio des Polonais de The Astronauts pour notre plus grande joie.

 

 

LES JEUX D’AVENTURE A PAPA SONT MORTS !

C’est clairement ce qu’on découvre lors de premiers pas dans le titre. The vanishing of Ethan Carter nous sert d’emblée un univers incroyablement fourni où chacun des nombreux éléments semble avoir été pensé plutôt que jeté par un vulgaire éditeur de maps à coups de randoms. L’ouverture dans cette magnifique forêt sera à elle seule un bon benchmark pour vous rappeler que votre machine a peut être pris un coup de vieux et qu’il serait temps de penser à l’upgrade…

Titillant sans hésiter les plus hautes résolutions, le jeu vous balance un environnement réaliste bluffant. Tout ici semble dynamique, des pierres aux brins d’herbes en passant par les différents points d’eau. C’est ainsi qu’on commence l’exploration, la pupille flattée, oubliant totalement qu’on est avant tout ici pour résoudre des mystères. C’est ainsi qu’au cours de mon premier run je suis tout simplement passé à côté des 3/4 des énigmes éparpillées autour de mon parcours.

Si la liberté de mouvements offerte n’est pas à comparer avec un GTA, le jeu vous laisse malgré tout flâner où bon vous semble. Ce qui peut s’avérer un peu perturbant quand aucune indication flagrante ne vient réveiller directement vos gènes d’enquêteur. Vous êtes réellement immergé dans l’histoire et ce sera à vous de prendre le temps de vous égarer assez pour découvrir quelques parties du puzzle autour de cette mystérieuse disparition.

Mon premier run ci-dessous en est la démonstration : vous êtes dans un jeu de narration essentiellement, contemplatif, qui ne vous posera aucun jalon fluorescent sur les points d’intérêts que vous devrez découvrir. Certains trouveront cela un peu hardcore alors que ce n’est juste qu’une chose : la grande classe. Dans une liberté toujours contrôlée, ce sera à vous de faire attention au moindre détail comme vous le feriez réellement mis en situation dans une enquète. N’hésitez pas à lancer cette vidéo garantie sans aucun spoiler pour comprendre pourquoi l’univers d’Ethan Carter est si envoutant.

 

GAMEPLAY ETONNANT…

On apprend rapidement à gérer les interactions de base avec le jeu. Elles sont classiques avec des endroits spécifiques à explorer, des objets à trouver, des mécanismes à activer. Là où elles le sont moins, c’est dans leur manière de présenter, qui demandera au joueur de s’adapter à un fonctionnement du jeu qu’il faudra aussi découvrir.

Les intrigues sont de petites scénettes concentrées sur une zone donnée. Vous pouvez choisir de résoudre une situation donnée en collectant et rassemblant les informations & objets que vous trouverez. Ne pas les résoudre n’est pas punitif : vous pourrez continuer votre exploration plus loin. Toutefois s’y attarder vous permettra de débloquer de nouvelles parties de l’environnement, de bonne taille, qui souvent ne sont pas directement accessibles.

Les multiples indices collectés, différents propositions vont ensuite tisser un bout de reconstitution : vos intuitions qui vont se matérialiser sur l’écran tantôt par des hypothèses, des visions, ou des flash backs complets. Ces derniers apporteront l’originalité d’une narration éparpillée qu’il vous faudra recomposer pour donner un sens à l’évènement passé. Déroutant lors de la première reconstitution, le système s’avère rapidement ergonomique et bien pensé pour, sans perdre trop de temps, résoudre une énigme. Et chaque nouveau secret découvert ne fera souvent qu’hélas d’avantage vous égarer dans les chapitres de l’histoire…

 

SI J’AURAIS SU J’AURAIS PAS VENU

The vanishing of Ethan Carter est, comme on l’attend, essentiellement lié à sa narration. On le commence en s’imaginant être le détective à imper’ gris cliché de tout bonne histoire du genre, puis on découvre vite que le scénario va déraper dans d’autres directions inattendues. On bascule ainsi rapidement en mode Twin Peaks, s’attendant presque à avoir une longue conversation avec une bûche. Puis en mode X-Files lors d’un trip cosmique qu’on ne pouvait pas voir venir. En mode chasse aux sorcières lorsque l’on dissèque les dialogues des différents protagonistes.

L’histoire d’Ethan Carter se dévoile progressivement, par morceaux désordonnés, mais ne lâche rien de ses aboutissements, renforçant d’autant ce besoin d’assouvir notre curiosité en explorant plus loin. Une parfaite réussite pour cette narration qui vous tiendra en haleine de longs moments, même lorsque vous aurez compris ce qu’il faut faire sans pour autant savoir comment le faire. Tel est le prix de la liberté.

 

POUR UN TRIP AVEC TOI

En rassemblant les différentes possibilités qui vous sont offertes dans cet environnement étonnamment fourni, Ethan Carter pousse l’immersion au delà de ce qu’on avait l’habitude de vivre. Je crois que c’est le premier jeu sur lequel je n’ai pas ragé de m’être égaré ou avoir fait de l’aller-retour pour rien tant il est magnifique. Oui, aboutir dans un cul de sac dans ce titre est généralement un bonheur que vous compenserez d’un moment carte postale rare alors que vous êtes dans l’obscurité de votre tanière derrière l’écran de la machine. Immergé en plein ailleurs, vous vous surprendrez à vous poser à différents endroits sans autre motif que la pause zen et le moment extase.

On pense ainsi rapidement « VR ». Oui, ce jeu mériterait honnêtement une adaptation pour ce mode qui lui irait comme en gant et en ferait probablement un des titres piliers du virtuel. Même si l’on peut cavaler en permanence pour se goinfrer du jeu, on a jamais vraiment envie de rusher en avant. Par la peur de rater un indice, certes. Mais surtout parce qu’on y est bien dans ce jeu et que la chose qui fait le plus peur finalement c’est retourner au menu et appuyer sur ce « quitter » qui nous renverra dans nos tristes réalités.

Bonne nouvelle : une version VR est effectivement disponible pour Occulus Rift. Et peut être sur que l’incertaine version PSVR verra le jour si l’on est assez nombreux à réclamer* ?…

 

POUR QUEL PUBLIC ?

Ethan Carter vise large bien qu’un poil déroutant pour les novices. Celles & ceux n’ayant jamais tâté de jeu d’aventure ou point & click pourront se contenter de regarder ; ils sont les seuls exclus du public visé. Certains passages et énigmes demanderont de l’insistance comme dans tout jeu d’aventure, mais il n’est pas hardcore comme certains osent le prétendre. Il s’adresse à toute la famille. On peut s’y égarer en solo mais c’est aussi une excellente source de distraction pour jouer en famille un soir de pluie devant le grand écran. Les avis et idées s’y confronteront en convivialité pour avancer sans doute plus rapidement autour de l’étrange disparition, tout en partageant la beauté des scènes offertes.

 

CONCLUSION

The vanishing of Ethan Carter n’est pas juste un jeu « soi beau et tais toi ». Au delà de la démonstration technique magistrale qu’il fourni autour du moteur Unreal Engine 4 c’est un univers dense et vivant qu’il propose pour une aventure alambiquée et pourtant crédible.

Jusqu’à la dernière scène il tiendra le joueur en haleine sur cette passionnante histoire fragmentée, le laissant glisser au travers de multiples nuances émotionnelles autour d’une perpétuelle accumulation de doutes. Et bien souvent, jusqu’au mouvement final de cette aventure, il ne pourra rester que silencieux les yeux écarquillés sur le moment vécu.

Certes de l’action à proprement parler il n’y a pas. Certes ne pas être forcément tenu par la main pour enchainer d’indice en indice peut s’avérer perturbant. Mais cette expérience vous laissera des traces ne serait-ce que par ce state of the art dans la matérialisation d’un environnement crédible ouvert et une histoire menée de main de maitre. Bravo The Astonauts ! <3

 

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