Petit article en réaction à celui de David Legrand de NextInpact au sujet de « l’avenir » de la publicité sur internet. Régulièrement on entend monter le chant des rédactions web qui pleurent à l’absence de revenus, à ces internautes pingres qui dédaignent à débourser pour de l’abonnement, … bref, à tout ce qui faisait l’univers d’un ancien média : la presse papier.
Mais à nouveau média, nouvelle pratiques, et donc nouvelle gestion aussi même si le mot innovation reste un terme qui tend toujours à glacer le sang des services comptabilité d’une entreprise.
Where is my mind ?
Nous sommes en 2015. J’avoue personnellement ne pas avoir acheté de titre papier depuis quelques années déjà. Sauf parfois pour le fun, lors d’un voyage en train par exemple (comprendre « pour économiser la batterie du smartphone » surtout ;)). J’y ai d’ailleurs toujours apprécié ce geste : laisser le magazine lu pour le prochain, car quel intérêt d’archiver ces news qui une fois l’époque passée ne seront plus que d’inégales anecdotes traitant d’une période révolue ?
Comme cette majorité en perpétuelle croissance je lis mes infos sur écrans. D’ordinateur principalement, avec une page d’accueil réunissant les flux des domaines qui m’intéressent, piochés sur les sites que j’estime un minimum dignes de confiance pour leurs infos ou style éditorial. Sur smartphone de temps en temps, histoire de ne pas gâcher les heures pendant des déplacements, comme tout le monde.
Et je ne paie rien. Quedalle. Nada. J’ai un bloqueur de pub qui fait que je n’ai pas vu la moindre animation pourrie invasive depuis les derniers jours de Geocities. Un autre bloqueur plus spécialisé dans les scripts qui gère à merveille les exploits non html de ces gens qui souhaiteraient faire apparaitre tant de nouvelles fenêtres que je n’ai jamais désiré. Et puis c’est tout. Sur tous les sites dont je pompe les flux sans retenue, certains ont mes faveurs et je les autorise à m’afficher ces messages d’une autre époque que l’on appelait « publicité ». Ils sont 3. J’ai 450 RSS. Je pense bien représenter l’utilisateur lambda. So why ?
Free DeLorean Tour !!!
Depuis sa création et avant internet, la presse s’est toujours appliquée à être la plus noble représentante sur papier plus ou moins épais d’un monde extraordinaire, en perpétuelle mutation, aussi splendide que moche parfois. Des couvertures qui pétaient, choquaient, déclenchaient les polémiques. Des articles rédigés avec caractère, de la ligne éditoriale tranchée. Des illustrations et photos d’exception. Et même les publicités y rivalisaient en classe, reléguant les annonces de « gourous réparateurs de PCs à distance » dans ces colonnes des 4 dernières pages d’avant final de couverture condensant les autres minables de pseudo marchés professionnels.
Oui, je dois l’avouer, jusque dans les années 1980, ouvrir un magazine lançait sur un univers qui avait vraiment de la gueule, ou au moins s’en donnait la peine. Puis sont arrivées les années des groupes, multinationales rachetant à tour de bras les titres pour mieux les uniformiser de part le monde. Là où le ton était hors norme est passé le rouleau compresseur de l’équalisation. Tout au même niveau. Même les coups de gueule ou de cœur. Les articles « copinages » sont devenu foison, car il ne fallait plus choquer l’annonceur dans une chronique de ses produits un peu plus réaliste que la moyenne, faute de voir partir le budget pub chez un titre concurrent. Dans la presse musicale, on a perdu Rock’n Folk et Best comme ça pour ceux qui s’en souviennent. Pourtant c’était bien les articles avec des gens qui ont un avis, pas juste un kit cirage de pompe. On avait cette chance que n’ont pas eu d’autres pays tels que, pour n’en citer qu’un, le Japon qui n’a jamais connu d’autre presse musicale que celle éditée par les maisons de disque, rien d’autre. La génération suivante a perdu les titres spécialisés dans cette religion ascendante qu’était le jeu vidéo. Et celle d’après s’est globalement noyée dans le mouvement quel qu’en soit le sujet, avec des titres dont on ne comprenaient plus trop s’ils étaient les reflets réels de gens d’une époque ou les tendances qu’essayaient d’imposer quelques mouvements industriels dans les prémices d’une « publi-information » galopante.
La presse s’est donc perdue bien avant qu’internet, instable support émergent, vienne y mettre son grain de sel. Les publicités sont devenues vulgaires et ces escrocs relégués aux fonds de magazines ont pu vomir leurs discours de bonimenteurs jusque sur les premières pages de magazines à grands tirages. Au point que paradoxalement certaines publications en sont venues à en faire leur cheval de bataille ; je citerais Wad et son univers bobo-rebelz 90% sponsorisé pourtant très agréable à feuilleter. Alors dans ces circonstances les gars, vous allez vous contenter de faire comme les gouvernements : tout la faute à internet ?
Le salaire de la peur…
Alors David je réagis à ton très bon article. Et de t’indiquer que ce n’est pas aux cons-ommateurs d’entamer le mouvement. Car oui dans consommateur il y aura toujours « con » et c’est une part statique et importante du mouvement si tu regardes la suractivité frénétique de ce mois de décembre autour de toi. Ceci dit, et par bonheur, certains de ces consommateurs s’interrogent parfois et se posent les bonnes questions. Celles dont internet n’a pas la réponse d’une simple phrase dans un moteur de recherche. Celles qui par exemple le pousserait à se demander comment peut vivre un pigiste payé 3 euros les 500 signes. Mine de rien, pour gratter 800€ sur un mois, ça fait pas moins de 266 news à sortir alors qu’il n’y a que 30 jours. Alors on accumule les fluxs. Les mailing lists. Et ce qui était un travail avec un minimum d’investigation ne devient plus qu’un travail de traduction expresse. Mais je m’égare en backstage…
De la même manière, et là je te rejoins, que deviendront ce titres formatés pour le buzz d’ici quelques années ? Je ne pense pas qu’ils passeront au panthéon d’un wikipédia. Ne seront pas même repris en 2065 par l’animateur d’un canal web 3D qui se foutera de la gueule des années 2015 dans une émission compilation sponsorisée par un algorithme de compression. Comme on aime grignoter des biscuits apéros alors que ça n’est que du gras soufflé, le consommateur ira toujours de temps en temps cliquer sur ces déjections de sous journalisme, mais sans trop d’illusions. En toute conscience que ceci n’apportera rien à son individualité, culture ou épanouissement. Juste une connerie à sortir pour meubler dans une soirée buddies ; rien de plus. Distraction aisée dont il n’aura pas même vu les 17 pubs en encart autour car con-sommateur qu’il est, il saura faire les 2 clics pour activer de manière efficace un bloqueurs pub. Le consommateur ne changera que peu et sa ligne éditoriale, lui, il la respecte depuis toujours : en avoir toujours d’avantage en déboursant le moins possible.
Big Data m’a sauvAY
Elles sont bien drôles ces sociétés privées qui en savent d’avantage que les divisions armées de grandes nations au sujet des individus. Ça ne choque personne, et pourtant ça vient gratter jusqu’au niveau des constitutions ce genre de comportement. Il n’y a aucun avertissement quand un môme va s’inscrire chez la plus grosse pute à datas qu’est Mark Zukerberg. On laisse faire, parce que « ooooh l’outils il est joli », « il est gratuit », « c’est simple d’envoyer ses photos », « Regarde, y’a même mémé qu’est morte y’a 5 ans ! ». Mais WTF ! On en est à un point d’hypnose de la population où ça n’interpelle même plus les gens d’être automatiquement reconnus sur des clichés dans ces missions de self-accomplishement que leur ont implanté les vendeurs de produits ! On ne blâme personne pour avoir transformé la population en produit à coup de pseudo-gratuit et pourtant il serait grand temps de pointer du doigt ces gens que le futur désignera sans doute comme criminels. Et le mot n’est pas exagéré.
L’information reste médiocre pour conserver un minimum d’éveil vital malgré les efforts de La Quadrature et bien d’autres qui œuvrent à ce que les gens ne soient pas que des zombies écervelés sur le web. L’état ne fait lui carrément rien, forcément : il n’y pige déjà pas grand chose quand on voit ses actions au sujet de ce support.
On peut rajouter une couche avec Google qui se permet de juger quel contenu doit prévaloir à un autre dans ses résultats, quitte à faire du grand n’importe quoi. Cherchez une photo d’un repas d’indigène de l’Amazone sur leur moteur de recherche… des pages et des pages, et aucun cliché authentique, aucune information réelle. Il est là l’état d’internet en 2015 : une foire aux slips qui n’apporte strictement rien au savoir et à la culture. Le saint Algorithme dans son impartialité incorruptible reste tout de même paramétré par… un humain mais bon : plus c’est gros, mieux ça passe comme on dit. De l’autre côté, chez les créateurs de contenu, tout le monde y va de sa couche, prêt à n’importe quoi pour obtenir les faveurs du grand dieu Audience et au final on a quoi ? Des informations périmées à leur parution, sans viabilité ni saveur, qu’on regrette presque de ne pas pouvoir imprimer pour se torcher avec. Ou bien des résultats de requêtes qui ont été méticuleusement filtrés ARBITRAIREMENT sans qu’on ai pu y mettre concrètement son propre grain de sel.
Bye-bye Advertisements ! Hello Webtisements !!!
Il serait gratifiant, tant pour ceux qui génèrent réellement du contenu travaillé que ceux qui le consomment avec une avidité et un plaisir non retenu d’établir une VRAIE charte de confiance. Laisser les contenus en accès gratuit, contrairement à cet Allemand suicidaire qu’on va très rapidement voir disparaitre des réseaux, et en faire un INDEXAGE RAISONNE, payant, pour consultation ultérieure. Car oui, cher amis journalistes, si votre info est si précieuse, si elle porte tant les valeurs auxquelles vous croyez, demain elle ne se noiera pas dans l’anonymat de buzzeries et autres articles de synthèse créés par des robots-rédacteurs. Demain vos écrits seront les fiers représentants concrets d’une époque, de cultures et d’explorations partagées avec passion. Vos lecteurs auront à nouveau envie de vous supporter comme ils soutiennent ce musicien ou ce bricoleur de génie. Mais faites le avec des couilles. Payez vous les illustrations dignes de vos écrits. Prenez les risques de positions que certains annonceurs n’apprécieront pas forcément. Et allez chercher cette damnée info pour en faire quelque chose, pas juste sortir le billet à l’arrache parce qu’il y en a encore 266 autres à sortir sous 30 jours pour avoir un début de paie décente.
De leur côté, les agences marketing ont tout à faire. On se fout déjà de leur gueule car les vrais sites internet offrant un contenu original se passent carrément d’elles. Et pour les autres sites web qui les auraient adoptées, elles sont dorénavant bloquées par les utilisateurs. Black listées. Plus personne ne peut les blairer. L’étau ira jusqu’à leur disparition si nécessaire, c’est inéluctable. Alors que d’un autre côté, il reste des encarts pub papier extraordinaires fait avec talent par des gens qui insufflent la magie dans la communication. Idem pour certaines pub filmées, des moments de grâce ou d’humour qui viennent toucher là où on croyait les sentiments enterrés. Une bonne publicité internet doit être un message statique et mettre la même claque que ces deux exemples cités précédemment. Et cela, malgré le grand age d’internet cumulé au mien, je ne l’ai encore jamais vu.
Balle dans votre camp les marketeux, nous, les cons-ommateurs contrairement à vous : on sait où on va… 😉
[ La micro-bio’ pour faire bien : pigiste papier dans cette période où 3 pages sur un programme Amiga rapportaient 55€ et la baguette artisanale coûtait 0,12€. Pigiste web dans cette période où 500 caractères rapportaient 3€, baguette industrielle à 0,80€ non comprise 😉 ]